Nous sommes un samedi soir d’hiver chez des amis qui, après un apéritif généreux partagé dans la bonne humeur, nous attablent. Le plat principal arrive et notre hôte sort de sa cave à vin, avec une joie non dissimulée, une très bonne bouteille qu’il a acheté pour l’occasion quelques semaines auparavant. Il la débouche, se sert 1/5 de verre, jette un œil sur le liquide, hume avec délicatesse le contenu de son verre. Il réalise ensuite un geste concentrique afin de révéler le deuxième nez du précieux liquide et passe juste après à la partie la plus attendue. Il goûte, et il est heureux.
Trépignant d’impatience tel un enfant de 3 ans devant une sucette, j’arrive quand même à garder mon calme et à ne pas pleurer ni crier pour me faire servir. Mon impatience se transforme en excitation à mesure que mon verre se remplit. Ça y’est, l’instant m’appartient.
Je reprends consciencieusement les étapes de dégustation dans l’ordre en admirant d’abord le contenu de mon verre à pied, puis c’est en fermant les yeux que j’aborde la première phase olfactive. “?????” me dis-je, froncement de sourcil que je tente de garder pour moi au possible. Je sens le vin une deuxième fois, les yeux ouverts ce coup-ci, et ce que j’entrevois comme étant un goût de bouchon se confirme au premier passage sur ma langue.
C’est confirmé, le Pommard aussi âgé qu’un élève de CE2 (ne comptez pas, le vin avait 8 ans) a un goût de bouchon. Mais, m’interrogé-je, suis-je le seul à l’avoir senti ? S’en suivent des “Ah oui, il est bon” ou “Vraiment excellent, il est a maturité”, donc oui, je suis le seul à l’avoir senti. Grand moment de solitude car je n’ose pas blesser en révélant la vérité. Et je me fais resservir du vin à l’arrière-gout de poussière que je me dois de complimenter.
Comment éviter à vos convives un mauvais moment en détectant vous-même le défaut de votre bouteille qui est bouchonné ?
l y a deux actions à faire dans les secondes qui suivent le débouchage d’une bouteille :
- Sentir le bouchon
- Sentir le vin à la bouteille
Si vous savez distinguer un vin bouchonné, alors c’est exactement à ce moment là que vous vous en apercevrez. Le conseil est alors de goûter : une vérification gustative confirmera votre suspicion olfactive.
Si vous ne savez pas identifier le goût de bouchon et que vous appliquez à la lettre la recommandation qui va suivre, vous serez infaillible. Et quand je dis infaillible, c’est infaillible, sur l’identification du goût de bouchon dans une bouteille… J’arrête là le suspense : il faut mâchouiller un bouchon de liège plusieurs fois par jour pendant une semaine.
La méthode
- Récupérez un bouchon en liège, celui de la prochaine bouteille de vin que vous ouvrirez par exemple. Attention, certaines bouteilles sont fermées avec des bouchons synthétiques, ce qui ne nous intéresse pas pour l’exercice.
- Mâchouillez le bouchons plusieurs fois par jour pendant une semaine
- Mâchouiller est différent de croquer ! Le bouchon ne doit pas s’effriter sous vos dents. L’idée étant juste de l’humidifier assez avec votre salive histoire d’avoir le gout de bouchon dans la bouche
- Répéter l’opération plusieurs fois par jour et ce pendant une semaine. Cela permet à vos sens d’imprimer le goût et de pouvoir le re-détecter n’importe quand, même s’il est subtil
- Ne faites pas ça en salle de réunion pendant que le Directeur Financier présente les chiffres du mois, ça pourrait être mal vu
L’inconvénient, c’est de ne pas pouvoir constater immédiatement les bénéfices de cette semaine un peu spéciale. Mais croyez-moi, après ça, aucun goût de bouchon ne vous résistera.